Enfant, j'observais les gens de loin, un peu comme s'ils étaient de tout petit personnages, et je les faisais bouger dans l’espace.
Là, du cinquième étage, je vois bouger des petits personnages. Des petits personnages tout engoncés de blanc des pieds à la tête. Ils s’agitent un peu, tu vois, avec leur karsher à la main, comme une lance. Ils astiquent ; l’odeur brûle un peu le museau. Quand je les ai vu, j’ai repensé au campement de Jaurès, et les autres, où l'on voyait arriver ces petits personnages engoncés de blanc. Ils venaient avec des pelleteuses, les pelleteuses broyaient les tentes offertes par les associations d’aide aux gens qui migrent, les pelleteuses broyaient les affaires personnelles des migrants et réfugiés. Puis ils passaient le karsher avec des produits qui brûlent le museau.
Et tu sais, ça sidère ces actions de petits personnages envers d’autres petits personnages. Parfois, tu ne peux sortir qu’un cri muet, et ça continue de crier dedans longtemps après.
Là, les petits personnages engoncés de blanc s’agitent pour nettoyer le bitume et griller les derniers pissenlits. Il n’y a plus de campements. Plus de feux non plus. Plus de voyages, plus de migrations. Il reste pourtant des personnages coincés dans le dehors.
Je me demande qui fait bouger ces petits personnages engoncés de blanc.
Fleur d'arbre de la nouvelle frontière, Paris
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